Le Tordu et le Droit

Le Tordu et le Droit

Une Peine Coupable

 

 

Dans son apologue de l'Ile abandonnée, Kant raconte que bien avant que la Grande île Australe et les autres ne soient conquises par les anglais, il se trouva sur l'une d'elles une tribu, les Nakan.

 

Cette tribu était composée en grande majorité de femmes si bien que les naissances mâles étaient vues comme de véritables bénédictions fêtées comme ils pensaient le devoir avec des offrandes et plusieurs jours de jeûne.

 

Il faut dire que cette terre n'était pas cernée que par les flots; les menaces ennemies des îles alentours aboutissaient environ une fois par mois à une bataille aussi féroce que meurtrière...

 

Par chance, les Nakans limitaient les dégâts ainsi dotés d'un sens aigû de la stratégie guerrière que les aléas de la génétique avaient rendus nécessaires.

 

Un jour, alors que la trêve avec les ennemis du nord durait  faisant donc résonner ses ondes pacifiques dans les têtes et les coeurs nakans , un fait divers donna au sang une autre  occasion de couler...

 

Sans doute miné par la jalousie, un nakan qui n'avait pas eu d'enfants mâles, crut bon de déverser le poids de sa rancoeur sur un de ses frères d'armes ,finissant par l'occir, devant son épouse, à force de coups de hâche.

 

Chez les nakans, le crime de sang contre un chef de famille, société patriarcale oblige, était puni de la peine capitale par lapidation;

 

Une fois l'exécution du meurtrier nakan ordonnée par le chef de tribu, le KanaKan, ce dernier dut se résoudre à surseoir à la lapidation , les ennemis du nord,très culottés, ayant décidé de faire taire la paix à l'occasion d'une offensive surprise.

 

Le futur lapidé fut donc libéré, la chance , pensait-il, lui étant alors confiée de défendre son peuple et peut-être même de mourir dignement les armes à la main .

 

La providence , sans doute aussi aidée par la force du désespoir , voulut que le condamné s'illustrât lors des combats en sauvant la vie de plusieurs enfants mâles nakans, notamment ceux du père qu'il avait tué.

 

La paix revenue, le Kanakan ne revint pas sur son jugement; le héros meurtrier devant mourir pour laisser passer la loi.

 

 

Mais au lieu d'être lapidé comme un vulgaire assassin , il fut décapité, honneur suprême pour un soldat nakan:

 

le chef de tribu lui avait ainsi rendu son honneur en modifiant la nature de la peine et les nakans se souvinrent de lui comme un guerrier valeureux.

 

 

 

Conclusion:

 

 

La peine criminelle vise ,en général, trois objectifs:

 

*la réparation du dommage causée à la victime directe de l'infraction

 

*l'assurance d'une certaine paix sociale qui réside dans la menace de la peine

 

*la vengeance dans une certaine mesure (aspect vindicatif de la peine hérité de la Loi du Talion, oeil pour oeil, dent pour dent)

 

L'invasion surprise des ennemis du nord avait donné au héros meurtrier l'occasion de se racheter auprès de la tribu sans que la loi tribale n'ait prévu cette possibilté:

 

 

Dans nombre de sociétés occidentales, les législations répressives prévoient des peines de prison pour sanctionner les criminels  (dites aussi privatives de liberté) .

 

 

La privation pour le criminel de la liberté d'aller et venir, d'une vie familiale normale, d'une vie sociale fait d'une pierre plusieurs coups: le mal sanctionne le mal (aspect vindicatif de la peine), la disuasion et la neutralisation du délinquant (aspect préventif contre la récidive).

 

Pour autant, qu'en est-il des opportunités pour le délinquant qui a causé du tort à sa victime, à ses proches et à la société (en troublant  par son crime la paix sociale) de se racheter?

 

On parle d'opportunités pour le délinquant; mais il s'agit avant tout d'opportunités pour les proches de la victime et la société de pouvoir "bénéficier" d'une forme de réparation non matérielle (qui s'ajouterait à la réparation civile décidée par la juridiction).

 

 

Dans l'histoire des tanakans, on voit bien comment ,par la force des évènements (la guerre surprise obligeant à rassembler toutes les forces de l'île en présence), l'accusé, condamné à mort a pu en quelque sorte racheter sa conduite coupable.

 

La loi est bien sûr passée; car il s'agit en aucun cas pour nous de faire l'apologie de l'impunité; c'est même tout le contraire puisque ce récit historique met l'accent sur l'éventuelle nécessité de renforcer l'application de la loi pénale , et donc son efficacité, par des mesures prévoyant l'opportunité, dans l'application de la peine privative de liberté, d'un rachat de l'accusé ;

 

La  bonne action qui suit  une mauvaise , sans pour autant l'effacer, ne participe-t-elle pas , lorsqu'elle profite aux proches de la victime, à la réparation que ces derniers sont aussi  en droit d'attendre?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



26/11/2012
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