Le Tordu et le Droit

Le Tordu et le Droit

Un Chien Dans La Poubelle

 

Carrie n'était pas beau.

 

Et,cela faisait maintenant trop longtemps qu'il était caché là, dans la vitrine, devant d'éventuels clients qui n'en voulaient pas.

 

C'était un chiot maladroit qui marchait  en essayant d'éviter  la paille brulée par les néons de l'animalerie qui le retenait encore et toujours.

 

D'ailleurs,  pas besoin de dessin pour comprendre qu'il languissait les frères et sœurs qui l'avaient d'abord accompagnés  dans ce cafarnaüm commercial avant de devoir  l'abandonner parce que ,eux, avaient trouvé preneur.

 

 

Aussi, la gérante de l'animalerie s'était-elle donné jusqu'à la fin de la semaine avant de rendre Carrie à un destin sans doute funeste à défaut de pouvoir le vendre ; c'est que son prix avait encore chuté et, bientôt, elle ne rentrerait plus dans ses frais.

 

Le prix bas du petit labrador, c'est justement ce qui avait  décidé Lanzdec, v.r.p   de passage dans cette ville de province,  à payer pour le petit canidé.

 

Son fils, Marco, fêtait ,le jour même, son neuvième anniversaire et, pour Lanzdec,  Carrie était le cadeau de dernière minute, l'argument prinicipal qui devait convaincre le garçon turbulent que son paternel pensait à lui .

 

L'anniversaire, prévu pour 13 heures, avait déjà commencé depuis longtemps et le v.r.p très en retard, était encore plus irrascible qu'à son habitude;

 

La vendeuse s'était d'ailleurs émue de la réplique que lui avait faite Lanzdec quand elle lui avait demandé :" alors, comment vous allez l'appeler ?"

 

" Son nom, j'm'en fous; alors, faites un paquet cadeau; et ...... vite".

 

Le client ayant, paraît-il, toujours raison, la vendeuse eut tôt fait d'emprisonner Carrie dans un paquet cadeau avant d'ajouter en fixant sans sourciller son aimable client:

 

"Ecoutez-moi, une heure pour le paquetage... pas plus; au-delà, le chiot s'étouffera et mourra inéluctablement."

 

Lanzdec  ne répondit pas....et, lorsqu'il arriva chez la mère de son fils, après plus de deux heures de route, donna des petits coups de poing dans le chiot pour ne pas abimer le paquet cadeau et réveiller, au cas ou, le jouet  survivant.

 

La porte s'ouvrit sur neuf enfants qui patientaient bruyamment autour du gros gâteau qui supportait autant de bougies épuisées et  maintes fois rallumées ...

 

Tous les cadeaux avaient déjà été éventrés par des ...mains qui semblaient celles d'un...adolescent et  Lanzdec eut juste le temps de dire à son fils, "Joyeux anniversaire", que ce  dernier se jeta sur son présent en en déchirant l'enveloppe pour  saisir, par la tête, le bébé labrador qui lécha, instinctivement, le visage de celui qui deviendrait son pire enfer...

 

"C'est quoi ça?" lança le petit roi dont les paluches serraient le haut poitrail de Carrie.

 

"Ben, c'est un chien.... et à partir de Maintenant, c'est Ton chien ...Mon fils..."...il est "tout qu' à toi, rien qu'à toi ".

 

La maxime populaire dit  que les plus grands remerciements se font en silence...

 

Mais, ici, il n'y eut ni silence, ni "merci bruyant"; seulement un rictus défigurant le visage de Marco dont la tête devait camoufler plein de "jolis" projets pour son chien qui, instinct animal oblige, lâcha  un jet d'urine qui vint  arroser un peu du gros fraisier  et beaucoup de la chemise de son maître....faisant, bien malgré lui, se tordre de rire , tous les amis invités du jour.

 

 

Marco ne cessa depuis lors de faire payer à Carrie ce que la bêtise et la honte l'avaient contraint, sans trop forcer, à considérer comme un acte de trahison de la part de son cadeau de chien.

 

 

Le labrador devint la chose du "petit roi", le cobaye d'expériences et de sévices que la décence nous empêche de dévoiler ici.

Mais, il n'est pas inutile de savoir que l'un des jeux favoris de Marco était de terroriser Carrie , notamment lorsqu'il s'endormait en marchant dessus avec ses deux pieds joints pour mieux écraser sa cage thoracique et l'étouffer.

 

Les parents, non plus, n'avaient pas trop eu à se forcer pour faire semblant de rien laissant à son tortionnaire le canidé qui usé par les coups,  maigrissait à vue d'œil ;

Dans l'immeuble, on entendait souvent Carrie pleurer, la nuit jusqu'à ce que les cris et/ou les coups de ses "maîtres" couvrent les cris du cœur martyr.

 

Un jour, pourtant, il n'y eut plus de cris , plus de bruits sourds  contre les murs ;

 

C'est ce jour là, vers midi, que Léa ,qui descendait jeter des bouteilles dans le vide ordure avant de partir travailler, trouva le chien dans une des poubelles de l'immeuble.

 

Lanzdec, avait sans doute jugé que la date de péremption du "cadeau" était dépassé et il avait jeté Carie là, comme une chose morte, une chose qui déjà  ne signifiait plus grand chose pour son petit roi de fils, une chose qui n'avait jamais rien signifié pour lui.

 

Léa appela directement le vétérinaire qu'elle consultait depuis des années pour ses  vieux chats (elle les appelait "ses enfants") pour l'avertir de ce qu'elle se rendait en urgence chez lui avec Carrie qui était en train de "partir".

 

Le vétérinaire, sans doute contraint à l'habitude des des animaux maltraités, ausculta rapidement le chien mourrant avant de lui faire les premiers soins, notamment les  injections qui, si la chance le voulait, éloigneraient Carrie de la mort.

 

Il fallut de longues semaines pour que le mourrant survive ...enfin.... et nul doute que l'amour de Léa n'y fut pas étranger ; elle qui venait tous les jours à la clinique vétérinaire veiller le souffre-douleur comme s'il avait été l'un de ses enfants, lui donnant un nom  , Carrie, (premier pas vers la renaissance ) , nom qu'elle chuchotait tout en le caressant , lui souriant, tout en l'aimant.

 

Il va sans dire que le retour à la vie de celui qui, finalement, n'avait jamais vécu ne fut pas simple...tant le traumatisme de Carrie avait été grand.

 

 La nuit, le jour, son sommeil était difficile.

 

 

Les images de ses tortionnaires, notamment celles du "petit tyran" qui  lui sautait dessus l'éclaboussaient sans cesse de toute leur âpre violence.

 

 

La confiance est un bien précieux que seul le temps permet de faire exister ou renaître; allié à l'amour, le temps peut tout ...même si parfois rejaillissent les remugles  de la douleur.

 

Ainsi, Carrie avait pu renaître et ...vivre normalement, dans un foyer, qui était devenu le sien  au milieu des vieux chats de Léa qui l'avaient adopté autant que leur "mère".

 

Plus d'un an avait filé jusqu'à ce jour du vilain mois de mai où un jeune enfant de trois ans avait malencontreusement marché sur le ventre de Carrie qui dormait allongé de tout son long dans l'herbe aux côtés de Léa qui l'avait emmené se promener dans le parc principal de la ville.

 

 

Ce pied qui avait soudain bloqué sa respiration durant son profond sommeil avait directement ramené le labrador dans l'enfer des Lanzdec et de son tyran de fils.

 

Aussi, Carrie n'avait-il pu réprimer une "mordagne",  réflexe défensif à l'encontre du bambin qui fut défiguré .

 

 

L'ironie cruelle de la vie étant parfois sans limites, ce fut au vétérinaire de Léa, celui-là même qui avait sauvé Carrie de la mort , que revint l'obligation d'euthanasier le canidé, à la demande de la justice et donc, des parents du jeune garçon qui n'avait bien entendu pas voulu faire de mal à Carrie tout comme  l'infortuné canidé qui ne voulait que se défendre.

 

Il avait voulu, par jeu, éviter  les cailloux qui clairsemaient l'herbe du parc, cette herbe  brulée par le soleil de ce printemps meurtrier.

 

 

Conclusion:

 

Le droit français qui reconnaît les infractions dites involontaires chez l'homme qui commet par négligence , légereté ou imprudence des délits occasionnant des dommages physiques et moraux n'a pas la même bienveillance pour les animaux, notamment de compagnie qui sont considérés encore comme des choses (cf  livre 5 du code pénal français).

 

Le droit français qui reconnaît la légitime défense chez l'homme qui se défend en provoquant des dommages physiques n'a pas non plus la même indulgence vis à vis des animaux de compagnie.

 

Finalement," l'administration de la mort" (sic) à un animal est prévue par la loi seulement pour les animaux jugés dangereux.

 

alors, une question peut être posée:

 

Le seul  réflexe défensif de Carrie à l'encontre du jeune enfant en faisait-il un chien dangereux que la salubrité publique commandait de tuer?

 

La réponse n'est pas simple ....quoique.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



02/08/2013
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