Le Tordu et le Droit

Le Tordu et le Droit

Témoignage délicat

 

Monsieur L, citoyen allemand est arrêté au début du mois d' août 1984 à Berne et mis en examen pour trafic de stupéfiants.

 

 

Pourquoi?

 

 

Le 15 mars de la même année, un juge d'instruction de la ville de Berne reçoit des informations bien précises de la police allemande sur les agissements de Monsieur L.

 

 

Traficant pas encore notoire mais néanmoins important de cocaïne, ce dernier qui se sait surveillé par la Police Allemande, décide de délocaliser ponctuellement ses affaires en Suisse .

 

 

Là-bas, il compte bien acheter pas moins de cinq kilos de cocaïne à un traficant qu'on lui a conseillé, un citoyen helvétique, un certain "Monsieur D" dont la discrétion et la capacité à honorer ses "engagements" lui ont été louées par de vieilles connaissances berlinoises, adeptes elles-aussi de trafics en tout genre.

 

 

Pourtant, c'est un euphémisme de dire que, dés le départ de leurs échanges, M.L se méfie de cette "connaissance de connaissance" dont il ne sait finalement rien tout juste qu'il habite à Berne et qu'on peut le joindre difficilement, seulement en téléphonant à un numéro de cabine publique de gare.

 

 

Alors que finalement, tout serait plus simple si les transactions avaient lieu directement au domicile du traficant.Mais voilà, méfiance, méfiance.....le vendeur dit se méfier de l'acheteur et réciproquement.

 

 

Quoi qu'il en soit, les deux hommes devront se téléphoner à plusieurs reprises et se rencontrer pas moins de cinq fois avant de tomber d'accord sur le prix de la transaction.

 

 

Le vendeur suisse est gourmand et fait valoir la qualité de la marchandise et les risques auxquels il s'est lui-même exposé pour faire venir la marchandise directement depuis l'Amérique Latine....en passant par des intermédiaires glauques aux commissions importantes.

 

 

Monsieur D, qui n'est pas dans son pays et qui ne peut donc compter sur place que sur sa seule force de persuasion n'a pas le choix et accepte au bout du compte le prix de M. D : plus d'un million de deutche marks, en liquide, bien évidemment.

 

 

Comme convenu, les deux hommes se donnent un ultime rendez-vous dans une zone industrielle désafectée, et lors de l'échange, la police suisse intervient et procède à l'arrestation du traficant de drogue allemand qui venait de mettre dans sa voiture les sacs de poudre blanche.

 

 

Le vendeur suisse? Arrêté aussi , mais seulement pour la mise en scène d'un scénario monté de toute pièce par les services de police suisse et seulement pour couvrir M. D .....agent infiltré, qui n'avait plus qu'à rédiger un rapport sur les intentions du berlinois quant à l'achat de plusieurs kilos de cocaïne pour "arroser" le marché est-allemand.

 

 

Les procés verbaux d'écoutes téléphoniques feraient le reste puisque bien entendu, le téléphone public de la gare avait été mis sous écoute....

 

 

Jusque là, me direz-vous , rien de plus ordinaire qu'un "guet-apens" de la police pour stopper un gros traficant...

 

 

Sauf ........qu'après avoir été condamné à trois ans de prison ferme pour trafic de stupéfiants, M.L devait par la suite, sur les conseils de son avocat, se plaindre de la ........."malhonnêteté" des moyens utilisés par la police pour se constituer les preuves de ses intentions illégales, preuves qui avaient été déterminantes dans sa condamnation.

 

 

En effet, le dealer allemand saisissait la justice suisse pour avoir été , selon lui, victime, avec les écoutes téléphoniques, d' atteintes au respect de sa vie privée .........

 

 

En outre, il contestait les rapports de police pourtant accablants mais rédigés sur la seule foi d'un agent infiltré qui n'avait pas comparu à l'audience et n'avait pas pu être interrogé par le traficant et son avocat. Donc, le dealer n'avait pas pu bénéficier d'un procés équitable.

 

 

Comme ses demandes avaient été rejetées par les premiers tribunaux suisses, le traficant avait saisi la plus haute instance helvétique qui...............lui avait donné .............raison .

 

 

Ainsi, le prévenu avait vu sa peine de 3 ans prison ferme commuée en 18 mois avec sursis....

 

 

Ne voulant pas s'arrêter en si bon chemin, M. L. traficant de son état avait obtenu de la Cour européenne des droits de l'homme , la condamnation de l'état suisse, à lui verser une forte somme pour n'avoir pas assurer au dealer berlinois un procés équitable.

 

 

Conclusion:

 

 

Le droit à un procés équitable ( article 6 de la convention européenne des droits de l'homme de 1953 ) est un droit fondamental pour lequel la justice européenne accorde difficilement des restrictions.

 

 

Selon la Cour de Strasbourg ( la cour européenne siège dans la "capitale" alsacienne) , le dealer allemand , comme tous les justiciables, avait droit à un procés équitable et donc, à voir la justice respecter ses droits de la défense en lui permettant notamment d'interroger directement à l'audience publique l'agent infiltré qui a rédigé les rapports de police accablants.

 

 

Le parquet des juridictions pénales suisses fit valoir en vain la nécéssité de protéger l'agent infiltré , agent dont l'efficacité du travail présent et à venir dépendait pourtant de sa discrétion et de son anonymat relatif....



26/04/2010
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